Drosera rotundifolia, le Rossolis
Introduction :
Drosera rotundifolia est une plante carnivore, c’est l’une des plus courante. Elle capture des insectes afin de trouver les nutriments nécessaires à sa survie dans un milieu pauvre : la tourbière.
Mais comment procède-t-elle pour se nourrir d’insectes ?
Comment la cultiver chez soi ?
Voilà quelques questions auxquelles je vais tenter de répondre.
Classification et étymologie:
Drosera rotundifolia appartient à la famille des Droseraceae.
Cette plante carnivore est connue en Europe depuis une époque ancienne, les premières illustrations datent de 1554. C'est Linné qui en fait le premier la description en 1735. Le nom de l'espèce "rotundifolia" vient de la forme ronde du limbe de ses feuilles. Droséra à feuilles rondes, rossolis, rosée du soleil sont les différents noms communs donnés à D. rotundifolia. Ils décrivent la forme des feuilles ou évoquent le scintillement du soleil à travers les gouttes visqueuses.
Répartition géographique:
D. rotundifolia se développe en Europe, Amérique du Nord et Asie, de 0 à 2000 mètres, sous un climat tempéré froid. C'est sans aucun doute l'une des plantes carnivores les plus répandues dans le monde.
Usage:
D. rotundifolia possède des vertus médicinales. Il contient de la plombagine, qui est un antitussif important employé contre la coqueluche, l'asthme, la toux et de nombreuses infections de la gorge. La plante fraîche est rubéfiante, elle provoque chaleur et rougeur de la peau.
La capture d’insectes
Nombre d'insectes capturés:
En été 1860, Charles Darwin prospecte les Landes du comté de Sussex. Il découvre un nombre considérable de Drosera rotundifolia. Il prend une douzaine de plantes portant cinq à six feuilles parmi trente et une. Sur une feuille il observe les restes de treize insectes, principalement des diptères (mouches). Le plus gros est un Coenonympha pamphilus (un petit papillon diurne). D'après le révérend H.-M. Wilkinson, la plus grosse proie capturée était une grosse libellule.
Ces restes prouvent que le nombre d'insectes détruits chaque année est considérable.
D. rotundifolia semble adapté à un but spécial, saisir les insectes.
Darwin approfondit ses recherches pour expliquer la sensibilité extraordinaire des glandes, la faculté de digestion et d’absorption des feuilles et les changements à l'intérieur des cellules des tentacules lorsque l’on excite les glandes de différentes façons.
Description des feuilles:
D. rotundifolia porte 2, 3 ou 5, 6 feuilles étendues horizontalement généralement. Toutes les faces supérieures portent des filaments et des glandes semblables à des tentacules. Le nombre moyen des glandes est de 192. Le nombre maximal est de 260 et le minimum et de 130. Chaque glande est entourée d'une goutte d'une sécrétion très visqueuse. C'est par la présence de ces gouttes, brillantes au soleil que le Drosera rotundifolia a reçu le nom de Rossolis.
Chaque tentacule du centre de la feuille est court, droit et composé d'un pédicelle vert formant une sorte de poil qui porte une glande à son extrémité. Les tentacules sont plus longs vers l’extérieur, plus inclinés et leurs pédicelles sont pourpres.
Les glandes mesurent 0.2mm.
Observations sur l'action des diverses parties et sur le mode de capture des insectes:
Si on pose un objet sur les glandes centrales, elles transmettent une impulsion aux tentacules. Les tentacules les plus centraux s'inclinent vers le centre en premier. Ce mouvement se communique de proche en proche et tous les tentacules s'infléchissent pour reposer sur l'objet. Ce repliement s'effectue en une heure, quatre, cinq heures ou plus. Cette variation de vitesse dépend de la grosseur, de la nature de l'objet, de l'âge de la feuille, et de la température, mais ce mouvement est indépendant de la lumière. De plus, si l'insecte capturé est vivant, il s'englue en se débattant, le repliement est donc plus rapide.
Si l'on touche la glande, on observe aussi un infléchissement.
Seule la base des tentacules se courbe. Si on excite un tentacule externe (en la touchant ou en posant un petit objet) elle s'infléchit sans agir sur les tentacules voisins. Si l'objet n'est pas trop petit, il agit sur les glandes centrales qui transmettent à leur tour une impulsion aux tentacules externes.
Le mode d'incurvation varie beaucoup. Seul le sommet de la feuille peut se replier ou un coté ou encore deux côtés, la feuille forme ainsi un triangle.
Les tentacules restent infléchis pendant un temps qui dépend de l'âge de la feuille, de la température (plus rapide en hiver), et de la nature de l'objet. Les tentacules restent beaucoup plus longtemps sur les objets qui fournissent des matières azotées solubles que sur les autres. Cette période, pendant laquelle la feuille est repliée varie de un à sept jours.
Certaines substances provoquent une augmentation de la sécrétion au niveau des glandes; indépendamment de l'inflexion. La sécrétion augmente et devient acide lors de l'inflexion. Quand les tentacules se redressent la sécrétion diminue ou même s'arrête; les glandes paraissent alors sèches. Le souffle du vent suffit ainsi à enlever les objets qui adhèrent aux feuilles. Lorsque le redressement est total, la sécrétion reprend, ainsi la feuille retrouve son activité.
Selon le docteur Nitschke, il faut un quart d'heure à la plante pour tuer un insecte car ses trachées se trouvent bouchées par la sécrétion visqueuse des glandes, l'insecte ne peut donc plus respirer et meurt d'asphyxie.
Il semblerait que les insectes soient attirés par l'odeur de la sécrétion ainsi que par les gouttes brillantes au soleil.
Les glandes changent presque immédiatement de couleur et prennent une teinte plus foncée quand on leur donne une petite quantité de carbonate d'ammoniaque. Ceci prouve leur faculté d'absorption.
Nutrition:
L'absorption des substances animales explique comment fait D.rotundifolia pour vivre dans les terrains tourbeux très pauvres, dans les endroits où seules poussent les mousses qui tirent toute leur nourriture de l'atmosphère.
Les feuilles vertes chez D.rotundifolia dénoncent la présence de chlorophylle responsable de la photosynthèse qui absorbe le gaz carbonique et rejette l'oxygène sous l'action de la lumière, et synthétise des matières organiques (sucre).
Mais, pour se développer, les végétaux ont également besoin d'azote qu'ils puisent dans le sol au moyen de leur racine.
Or, D.rotundifolia possède des racines très peu développées, constituées de deux ou trois radicelles peu divisées ayant douze à vingt-cinq millimètres et recouverts de filaments absorbants. Elles servent uniquement à absorber l'humidité. Les racines sont réduites car il n'y a pas de substances nutritives dans la tourbe. Les plantes carnivores ne pourraient assouvir leur besoin en azote si elles ne captureraient pas d'insectes.
D.rotundifolia possède donc un estomac temporaire (formé par la feuille), des glandes qui secrètent un acide dissolvant les substances animales que la plante absorbe. Ce mécanisme de nutrition ressemble étrangement à celui des animaux. Mais D.rotundifolia boit par ses racines et il doit boire beaucoup pour pouvoir former toutes ces gouttes de liquide visqueux et lutter contre l'évaporation.
Les tentacules restent infléchis sur les corps organiques beaucoup plus longtemps que sur ceux sur lesquels la sécrétion n'a aucun effet, comme les objets inorganiques.
Un morceau de fil ayant 0.508 mm de longueur et pesant 0.00793 mg, ou un cheveu ayant 0.203 mm de long, et ne pesant que 0.000822 de mg, amènent quelques changements dans les cellules des tentacules. Cela provoque la transmission d’une impulsion à travers toute la longueur du pédicelle, qui comprend environ vingt cellules, jusque dans la base qui se fléchie alors et fait décrire aux tentacules un angle de plus de 180 degrés.
Toutefois, l'infléchissement se produit uniquement lorsque l'objet atteint la glande.
On peut noter que les gouttes de pluie ou les frottements des herbes sur les tentacules causés par le vent ne provoquent pas de mouvement; heureusement pour la plante, car elle ne cesserait de se fermer pour rien, même si un fragment emporté par le vent suffit à infléchir la feuille.
On observe, lorsqu'une glande est excitée, directement ou indirectement par l'influence des autres glandes, une agrégation de molécules cellulaires qui naît dans la glande et se propage tout le long des tentacules avec un court temps d'arrêt à chaque cloison cellulaire transversale et qui forme des petits globules solides en suspension dans le liquide cellulaire, parfois visible à l'oeil nu.
Dès que les tentacules se sont complètement redressés, les masses agrégées se dissolvent et les cellules retrouvent leurs caractéristiques initiales. Quand on presse une glande, on voit distinctement un changement moléculaire se propager de la glande jusqu'à la base; de la même façon qu'un nerf excité propage l'information à son extrémité.
Il semble que le moindre trouble peut suffire pour modifier la nature moléculaire à l'intérieur de la glande.
Ce phénomène d'agrégation semble responsable du transport de l'information dans la plante.
L'impulsion motrice, de nature chimique, se propage à travers le tissu cellulaire et non pas le long des faisceaux fibro-vasculaires (structure cellulaire formant des "conduits" qui transportent la sève. La glande envoie une impulsion motrice dans toute la longueur du pédicelle puis l'impulsion se propage dans toutes les directions en affectant les tentacules environnants. L'impulsion semble alliée au phénomène d'agrégation. Ce phénomène fait se rapprocher entre elles les molécules des parois des cellules; il en résulte que les parois des cellules se contractent et ainsi le tentacule s'infléchi. Le redressement des tentacules est dû à l'élasticité des cellules.
Figure 1 Observation microscopique d'une glande et interprétation
MODE DE CULTURE DE DROSERA ROTUNDIFOLIA
D.rotundifolia se cultive à température ambiante été comme hiver. Bien que dans la nature certains spécimens poussent à l'ombre, le plein soleil lui semble préférable si toute fois elle garde les pieds dans l'humidité. Sous l'action du soleil, les feuilles deviennent très rouges. Il faut donc maintenir le substrat fortement humide surtout en plein été.
Cette plante carnivore, du fait de sa répartition, se cultive à l'extérieur, elle supporte des températures allant de - 30 à 10°C l'hiver et de 15 à 35°C l'été. On peut la mettre dans un bac ou une tourbière artificielle dans un mélange d'un tiers de sable (non calcaire) et de deux tiers de tourbe ou également dans de la mousse de sphaigne pure. Il ne faut surtout pas mettre d'engrais.
D.rotundifolia croît au printemps et en été; en hiver, toutes les feuilles se fanent, seul un hibernacle central subsiste d'où surgiront les nouvelles feuilles.
Multiplication:
Récupérez les graines sur les hampes florales blanches pouvant atteindre 20 cm dès que celles-ci commencent à sécher. Placez les au réfrigérateur à une température de 3 à 5°C. Puis semez au printemps sur de la tourbe ou sur un substrat de sphaignes hachées. On peut aussi pratiquer le bouturage de feuilles dans le même substrat en ajoutant un fongicide pour éviter d'éventuelles moisissures.
Croisement naturel :
D. x obovata est l'hybride naturel entre D.rotundifolia et D. anglica
D. x beleziana est l'hybride naturel de D. rotundifolia et D. intermedia.
Ces hybrides ne se reproduisent pas par graines mais on peut les multiplier par bouture.
Pour en savoir plus :
Livres :
Les plantes carnivores de France : histoire, botanique, usages, Baffray Michel
Les plantes carnivores, Blondeau Gérard, 2001, éditions De Vecchi
Les plantes insectivores, Darwin Charles, 1877
Les plantes carnivores, Jolivet Pierre, 1987, collection sciences et découvertes
Plantes carnivores et végétaux hostiles, Louveaux Jean, Hachette, 1965
Les plantes carnivores, comment les cultiver? Slack Adrian, 1988, édition Diagone-Calmann-Levy
Sites Internet:
http://membres.lycos.fr/carniseeds/phpBB2/
http://www.snv.jussieu.fr/bmedia/carnivore/index.html
www.rossolis.org